Une place au milieu du monde P.O.L(2014)
À la Fabrique, Pierre, écrivain, tente, avec quelques autres, éducateurs et enseignants, de donner une place au milieu du monde à des adolescents en grande difficulté scolaire et sociale. Parfois avec succès : Lissah venue d’Afrique après la mort de ses parents et réussissant à trouver du travail, Djamil remis sur le chemin des études via des cours par correspondance. Parfois en y échouant totalement : Franck gagné par les idées d’extrême droite ou Aude tentant de se suicider. C’est dans l’approfondissement de cet engagement, à La Fabrique et ailleurs, que Pierre trouvera, lui aussi, au fil des années, sa place au milieu du…
Pierre, le narrateur, anime des ateliers d’écriture dans un établissement où passent des adolescents qu’on range ordinairement sous l’étiquette : en difficulté. En brèves scènes sans jugements, il décrit ceux qui restent, partent, ce qu’ils finissent par écrire et comment. Il décrit aussi sa propre expérience à leur contact. Il observe ces enfants subtils, coléreux, souvent désespérés. Voici Aude : son regard « glisse sur les autres participants au moment de l’écriture ou se fixe sur un coin de ciel à travers la fenêtre. Pierre guette ce regard en atelier, il est signe que l’on écrit vraiment ». Les exercices s’appuient, avec ou sans succès, sur Georges Perec, Claude Simon, d’autres. Pierre lit à Louise un poème de Charles Juliet, où celui-ci fait l’inventaire de ses raisons d’écrire. Celles de Louise commencent par : « Écrire pour dire que la violence n’est pas un simple mot. » Ce pourrait être l’exergue du livre. Celui de Baudelaire l’annonce tout autant : « Tout le mouvement qu’il faudra pour acquérir une place vide au milieu du monde, tout cela m’effraie. » L’effroi semble justifié quand une société fait en sorte que, pour ces descendants de Gavroche, le mouvement soit inutile. Philippe Lançon, Libération, 10 avril 2014
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